La transition énergétique est l’affaire de tous… Les territoires ruraux, souvent désignés pour leurs gisements d’énergies renouvelables ne sont pour autant pas toujours les mieux dotés pour engager l’action. Malgré tout, comme le présente la brochure « Vers des territoires à énergie positive en Europe », de nombreux territoires ont su les dépasser en faisant preuve d’engagement au sien de réseaux, de coopération et de réajustements.
Capitalisant des retours d’expériences, des témoignages d’élus ruraux et d’experts, ce guide méthodologique donne à voir et à comprendre ces démarches de transition engagées en Europe depuis plus de 10 ans en éclairant leurs conditions d’émergence, les difficultés rencontrées et les leviers mobilisés facilitateurs du passage à l’action.
Livre ouvert sur de multiples pratiques de terrain, cette brochure révèle et explore les ingrédients pragmatiques fondamentaux pour s’y engager : la coordination entre acteurs et entre échelles ; la mutualisation des moyens, des outils et des compétences ; l’intérêt d’adhérer à des réseaux supra-territoriaux (100% Territoires à énergie positive, Convention des Maires…) pour bénéficier d’échanges d’expériences, de formations … Elle souligne par ailleurs que même avec les meilleures intentions et attentions, les erreurs et échecs sont de mise et doivent être intégrés pour réorienter au mieux la trajectoire du territoire dans la transition. Et pour ce faire, certains experts, coordinateurs, énergéticiens et espaces info énergie demeurent plus que jamais des partenaires indispensables.
Alors, si la transition énergétique est un but à atteindre, elle n’en reste pas moins un chemin. Et ce document nous rappelle que face aux incertitudes et tâtonnements il convient d’avancer, chemin faisant, en réseau et collectivement, et que les grandes stratégies sont aussi faites de petites actions comme le suggère le projet européen 100% RES communities.
« Vers des territoires à énergie positive en Europe »
Un pour tous… tous pour TEPos
La question énergétique et sa réappropriation au sein des territoires ruraux constitue aujourd’hui un intérêt tout particulier, d’autant plus que se démocratise et s’institutionnalise la transition énergétique en France et en Europe. Mais comme nous le remémorent les expériences européennes interrogées dans ce guide, cet intérêt n’est pas récent pour autant.
Souvent initié par un noyau de personnes restreint, voire d’un seul individu comme ce fut le cas au début des années 1990 dans la commune autrichienne de Güssing autour d’installations de production d’énergies, le développement de projets énergétiques renouvelables constituait d’ores et déjà une opportunité pour redynamiser le tissu économique de territoires ébranlés par la fermeture d’industries (comme à Loos-en-Gohelle lors de la fermeture des mines) ou fragilisés par un manque d’infrastructures ou d’attractivité.
De ces expériences, les acteurs reconnaissent que les stratégies énergétiques territoriales ont permis la relocalisation de l’économie et le développement d’emplois durables, et ont constitué un véritable facteur d’attractivité pour l’installation de nouvelles entreprises.
Toutefois, comme le dénote le Président de la communauté de communes du Mené en Bretagne, cet ancrage n’aurait pu être possible et vertueux sans l’appropriation de la question énergétique par les différents acteurs (institutionnels, privés, associatifs et citoyens) et la participation de l’ensemble de filières de production d’énergie : « Tous ont compris l’enjeu : être des acteurs, de notre propre vie et de notre propre développement. »…et en être les auteurs, conviendrait-il de rajouter…
Territoires en transition : « il n’est pas de chemin, le chemin se fait en marchant… »
Le caractère exemplaire de ces projets ne doit pourtant pas faire oublier le cheminement long et parfois incertain parcouru par les territoires pour bénéficier de retombées économiques et de ce dynamisme. Certains acteurs, parmi lesquels M. Coron, maire de Loos-en Gohelle, s’attachent à rappeler que le parcours n’est ni linéaire ni pré-établi, et qu’il convient de revendiquer « notre droit à l’erreur. Car si nous avons le devoir d’agir, nous avons aussi le droit de ne pas tout réussir tout de suite ! ».
Le droit à l’erreur, à l’expérimentation, le droit de progresser à son rythme et de façon incrémentale sont autant de critères pris en compte par les partenaires du réseau 100% RES communities lorsqu’ils mesurent la progression des territoires à énergie positive vers l’horizon qu’ils se sont fixé. Et le chemin de la transition énergétique, se fait bien en marchant…
Mutualiser, coopérer : créer des solidarités par-delà les frontières…
Parmi ces incertitudes, au moins deux autres interrogations se posent à un territoire désireux de s’engager dans de tels projets, dès la phase amont :
- celui de la définition du périmètre le plus pertinent pour l’action,
- et celui des compétences nécessaires pour transformer les intentions en actions
Comme le rappelle ce guide, le périmètre le plus pertinent n’est pas toujours celui défini administrativement. Si l’on peut trouver au sein de ces limites des dynamiques sur lesquelles s’appuyer, nombre de territoires à énergie positive ont outrepassé ces frontières avec de nouvelles coopérations pour donner davantage de cohérence à leur stratégie de développement.
Ces « débordements » ont donc généré de nouvelles formes de gouvernance et parfois même de nouvelles entités territoriales pour asseoir plus efficacement les projets. C’est le cas en Basse-Saxe allemande où 8 communes se sont regroupées pour former une nouvelle région, la EnergieRegion Aller-Leine-Tal, beaucoup plus adaptée pour porter leur démarche d’autosuffisance énergétique et les projets d’énergie renouvelables qui l’accompagnent. Cette coordination leur a également permis de créer une plateforme de travail et de s’inscrire dans le programme européen LEADER.
Dans de tels contexte, ce n’est plus le périmètre qui dicte et façonne le projet, mais bien l’inverse…et cela s’effectue bien souvent sur le socle de coopérations interterritoriales. Coopération de territoires, mais aussi coopération de structures et de statuts juridiques divers s’opèrent et réunissent au sein de plateformes des experts, des conseillers publics et privés qui forment un alliage efficace pour appuyer et accompagner la progression des collectivités. Mutualisant leurs compétences, ils leurs apportent pléthore d’outils adaptés et leur expertise en intervenant lors des diverses phases d’avancement, depuis la recherche de financement jusqu’à la phase de communication, tout en jouant un rôle crucial lors des étapes plus techniques comme lorsqu’il s’agit d’élaborer des «diagnostics énergie-climat ».
De fait, franchir les frontières [administratives] permet plus aisément de mutualiser les outils et les diverses formes d’expertise technique pour les mettre plus facilement au service des territoires. Et parmi les compétences indispensables, ce guide rappelle le rôle majeur joué par les espaces info-énergie, par les coordinateurs et les énergéticiens, qui forment un véritable « kit de survie » capable de mobiliser et relier aussi bien les citoyens que les élus, techniciens, opérateurs privés…autour de stratégies énergétiques territoriales.
Pragmatisme, simplicité et adaptation : les ingrédients de l’efficacité
Le réseau 100% RES communities dresse ici un aperçu des outils, postures et bonnes pratiques qui ressortent de ces diverses expériences de terrain.
Parmi les outils généralement mobilisés figurent en tête de liste les diagnostics et autres études de terrain. Mais ces travaux, surchargés de données pointues et dispendieux en termes de temps et d’argent, se révèlent finalement peu adaptés en l’état pour des territoires ruraux dotés de peu de moyens.
Aussi, le premier conseil établi ici concerne donc ces études. Si elles demeurent indispensables pour connaître le territoire et s’approprier la question de l’énergie, elles doivent s’émanciper de leur aspect trop informatif, technique et détaillé pour offrir dans un premier temps une vision globale de ces aspects qui soit plus pédagogique.
Outre les diagnostics, d’autres outils sont évoqués ici comme autant de ressources pour faciliter l’engagement dans la démarche des territoires à énergie positive. Sont cités en exemple le bilan carbone de l’ADEME et les études de vulnérabilité climatique et économique, les études de potentiels énergétique, le bilan SOLAGRO…L’intérêt des schémas directeurs et de développement est également loin d’être négligeable. Ils permettent d’évaluer par observations les zones les plus propices au développement de certaines filières, de la production à la consommation de l’énergie, pour les dimensionner et les implanter le plus judicieusement.
Malgré tout, si outils et cadres permettent de faciliter les différentes opérations et se perfectionnent au gré des expériences et retours de terrain, un autre point important est rappelé à travers ce document : la progression s’effectue pas à pas, et il est préférable selon les auteurs de s’engager initialement sur des projets modestes plutôt que d’enclencher dès les premières phases des projets de plus grande envergure : « Les choses sérieuses commencent une fois qu’une première série d’actions a été engagée. Les premiers résultats visibles crédibilisent votre plan d’action… ».
Et l’évaluation en cours de route, toujours ciblée sur des points précis, s’avère également indispensable pour réajuster plus efficacement les opérations entreprises.
Des rôles complémentaires…et interchangeables ?
Les dynamiques présentées dans ce document rappellent par ailleurs la place importante qui doit être faite aux citoyens dans les projets territoriaux. Parfois porteurs à leur échelle individuelle d’un réel investissement dans des actions de transition énergétique, ils constituent dans le cadre des TEPos de réelles forces vives avec lesquelles construire des projets collectifs.
Les exemples de financement citoyens de centrales photovoltaïques ou de projets éoliens fleurissent de part et d’autre de l’Europe et confirment la qualité d’experts, d’acteurs et d’auteurs qu’il convient de reconnaître aux citoyens. Certains des projets menés prennent parfois une ampleur dépassant les frontières territoriales comme l’illustre le cas du plus grand projet d’énergie éolienne citoyenne du Royaume Uni, le Point and Sandwick Development Trust, implanté sur une île écossaise et qui devrait créer une centaine d’emplois locaux permanents à temps plein.
Ainsi, les citoyens financent des projets pour la collectivité, et la collectivité subventionne à son tour des projets citoyens, à l’instar de la municipalité du village Tchèque de Jindrichovice pod Smerkem qui va jusqu’à verser des enveloppes financières en soutien à des projets d’habitants et à investir pour les nouveaux arrivants dans la construction de logements basse consommation, conférant au village un nouveau cadre de vie.
Toutes ces énergies sont donc à mobiliser pour engager la transition !
Changer d’échelle, intégrer les réseaux.
Les collectivités engagées en tant que territoires à énergie positive peuvent s’appuyer, en plus des citoyens et autres acteurs privés et associatifs, sur de nombreux réseaux nationaux et européens. Parmi ceux-ci figurent le réseau 100% RES communities, la Convention des Maires, Rurener ou le CLER qui accompagnent ces territoires et leur font bénéficier des compétences, outils (comme le Climat Pratic, la campagne POLLEC en Wallonie…), formations…qui facilitent le passage à l’action, et à des actions efficaces et adaptées aux spécificités de chaque territoire.
Tous ces réseaux offrent un réel cadre de coordination et de rencontre entre élus et techniciens des TEPos, notamment lors de voyages d’études qui aident à repérer de bonnes pratiques parfois transposables et à tirer les enseignements d’échecs ou de projets avortés.
La Convention des Maires structure pour sa part les territoires adhérents et favorise ainsi la mutualisation de moyens et de compétences pour s’engager dans un plan d’actions défini en commun. La capacité des réseaux à mettre ces territoires en synergie leur confère également davantage de poids pour solliciter à leur tour des financements et dépasser les contraintes juridiques et réglementaires trop lourdes pour de petites collectivités.
Ces réseaux, se complétant et se coordonnant entre eux, constituent plus globalement pour les territoires un support de co-construction de connaissances et savoir-faire autour de la question énergétique et de la transition. Cette synergie permet de solidifier les premiers pas sur le chemin de la transition énergétique et de lui donner un horizon beaucoup plus clair et tangible.
Cet Article a été rédigé par Angélique Sauret, stagiaire master II sur la thématique énergie-territoire