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Quel devenir des collectifs locaux contre le gaz de schiste ?

En mars 2010, l‘état accordait, en catimini, trois permis d’exploration des gaz de schiste aux entreprises Total et Schuepbach dans les secteurs de Montélimar, Villeneuve de Berg et Nant (couverture 9672 km2). La rumeur, dans un premier temps timide a gonflé dans la population et pris une ampleur stupéfiante à l‘échelle de l’Ardèche. Du refus massif de ces recherches, aux conséquences néfastes par bien des aspects, est né le collectif 07 STOP au GAZ de SCHISTE composé de citoyens, syndicats, politiques et associations.

Interviews croisés de Antoine COMBIER, salarié du collectif 07 STOP au GAZ de SCHISTE ; Jean-Yves GOUNON, membre du collectif de Valvignières ; Bernard BAROU, membre du collectif Haut-Vivarais Pilat.

Le collectif compte 125 structures adhérentes dont une centaine de collectifs d’origine citoyenne. Le citoyen est clairement au cœur de ce mouvement. De sa naissance à aujourd’hui, percevez-vous une évolution dans la façon dont les citoyens impliqués appréhendent leur rapport à l‘énergie ?

AC : Au départ, le mouvement était centré sur le refus de l’exploitation du gaz ou du pétrole dans notre jardin. Rapidement, le collectif s’est positionné contre les énergies fossiles et pour les énergies renouvelables. Plus progressivement, les membres commencent à mener une réflexion plus globale sur notre rapport à l‘énergie. Lors de la dernière réunion du collectif du 16 novembre, un groupe de travail a été créé afin de mener une réflexion sur la transition énergétique. Les questions abordées seront les suivantes : qu’est ce qu’on entend par transition énergétique ? Quel rôle tient l‘énergie dans notre vie ? Est ce que le collectif est légitime pour travailler sur cette question ? Comment la traite-t-on démocratiquement ? …
JYG : La lutte contre les gaz de schistes a permis effectivement une prise de conscience des problèmes énergétiques à venir. Les collectifs locaux ont d’ailleurs prolongé leurs réflexions à ce propos. Cependant, comme pour le mouvement initial lui même, les gens s’essoufflent, donc il faut continuer d’informer.
BB : Les citoyens impliqués dans notre collectif sont déjà sensibilisés par la cause écologique et par la problématique énergétique. Dans le nord Ardèche, ce n’est pas la  menace aigüe de forages à proximité qui motive nos adhérents. Ceci dit, par expérience lorsqu’un danger environnemental plane sur une micro-région et fait gonfler le rang des associations de défense, il ne faut pas croire que cela va faire changer à tous leur rapport à l‘énergie. Il suffit que la menace s‘éloigne pour que la majorité des adhérents abandonne toute vocation à l‘écologie. C’est bien pour ça que les autorités ont abrogé trois permis dans les régions les plus sensibles pour espérer dégonfler ces zones de résistance.

??Le collectif 07 revendique un fonctionnement démocratique. Concrètement comment fonctionnent les prises de décisions, le lien entre les commissions et le collectif ? ??

JYG : On peut être satisfait du mode de fonctionnement du collectif 07, il n’est jamais aisé d’avoir un fonctionnement démocratique dans ce genre de combat, et pourtant c’est une réussite.
Les décisions sont prises en réunions ou assemblées générales auxquelles participent tous les adhérent du collectif 07. Les liens fonctionnent grâce aux référents de chaque collectif.
AC : Le collectif 07 représente l’ensemble des petits collectifs adhérents. Il n’a pas d’existence indépendante. Chaque référent des petits collectifs vient avec les réflexions et les souhaits de son organisme. Suivant les sujets, les décisions sont prises directement lors des réunions ou après discussions au sein des collectifs locaux. Les idées et les thèmes émergent des commissions de travail ou des collectifs eux-mêmes (ex. création d’une lettre d’information). Dans un souci de réactivité, il existe une commission spécifique qui a un rôle plus fonctionnel (ex. validation d’un communiqué de presse).
BB : Notre collectif Haut-Vivarais Pilat n’est pas très étoffé. Il fonctionne de manière simple non académique et met sa priorité sur des actes concrets : stands d’information, interventions médiatiques et se tient prêt à renforcer les actions dans le sud Ardèche ou ailleurs si les premiers forages se précisent.

??Comment travaillez-vous avec les élus locaux ? ??

AC : Nous sommes en lien avec le collectif des élus du sud Ardèche de manière permanente. Ils sont souvent présents aux réunions du collectif. Selon les collectifs, les positions des élus locaux sont diverses.
JYG : Nous travaillons en parfaite symbiose, des élus faisant partis de notre collectif. De plus, le maire de notre commune essaie de participer à la plupart des réunions.

??Le 3 octobre 2011, les 3 permis de recherche de gaz de schiste par fracturation hydraulique ont été abrogés. Pour autant, le mouvement reste mobilisé. A priori, on peut se demander pourquoi ? Quelles sont les pistes d’actions du collectif ???

AC : Localement, on reste mobilisé. On pense que l’abrogation des 3 permis est une victoire temporaire. Ce résultat est le fruit d’une mobilisation efficace. De plus, sur les 81 permis en instruction, deux touchent le Sud Ardèche. A l‘échelle régionale, un réseau est en cours de création avec l’Isère, la Drôme, le Rhône et la Haute-Savoie. Les membres du réseau sont très demandeurs d’informations sur l’organisation du collectif, ses statuts, le lien avec les élus … Plus globalement, on a régulièrement des demandes de toute la France, par exemple sur l’organisation VIA (Vigilance Action). Nous jouons un rôle d’appui et d’accompagnement des mouvements citoyens pour le montage d’autres collectifs dans le pays.
JYG : Tout d’abord il reste encore beaucoup de permis actifs en France, et donc il ne faut rien laisser tomber. De plus, nous pensons qu’il s’agit là d’un simple sursis, qui a été accordé aux territoires les plus virulents. En résumé « rien n’est fini ».
BB : Le mouvement reste mobilisé parce que cette abrogation de seulement 3 permis est de la poudre aux yeux. C’est faire croire à la nation que l’exploitation non conventionnelle de ressources fossiles est bannie, alors que d’autres permis restent d’actualité. Les lobbies pétroliers parlent d’eldorado dans le sous-sol français. Campagne publicitaire en faveur de ces techniques d’exploitation, évolution règlementaire (ex. code minier) sont autant de portes qui s’ouvrent pour faciliter et légaliser ce type d’exploitation. De plus, TOTAL amorce une procédure pénale pour réhabiliter son permis de Montélimar. Il était nécessaire que les collectifs ne crient pas victoire et renforcent leurs liens à la fois départementaux, nationaux et internationaux. Les pistes d’actions sont donc : informer, se tenir prêt à agir, disséquer les programmes des différents candidats aux présidentielles sur ce sujet.

Propos recueillis par Claire HURTAUX, Anne-Sophie HENNION et Samuel MARTIN

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